vendredi 7 juin 2013

Séance foraine 2013

L'horloge, symbole de la ville
La tradition du livre et de l’imprimé à Auxerre est héritière d’une histoire paradoxale. En effet, le principal centre religieux reste, au moins jusqu’au XVIIe siècle, celui de Sens, ancien bourg de l’époque gauloise, devenu capitale de la province romaine de Quatrième Lyonnaise. De plus, Auxerre est longtemps située dans une région intermédiaire: à l’ouest, ce sont les possessions royales centrées sur l’Île-de-France; à l’est, voici les pays bourguignons, autour de Dijon et de Beaune; enfin, vers le nord, nous entrons dans le domaine des puissants comtes de Champagne, avec leur capitale de Troyes Comme Tonnerre, Auxerre est d’ailleurs siège d’un comté qui n’appartient pas au duché de Bourgogne au sens strict des Valois.
Cette position géographique peut expliquer comment les premières presses de la région tournent non pas à Sens ou à Auxerre, mais dans la petite ville de Chablis, à une quinzaine de kilomètres. Chablis est une enclave du comté de Champagne, mais elle appartient aussi à l’abbaye Saint-Martin de Tours, depuis l’époque où les moines s’y sont repliés pour se mettre à l’abri des incursions normandes. La collégiale bénédictine de Saint-Martin abrite une école réputée, où ont peut-être été formés certains membres de la famille Le Rouge. On sait que les Le Rouge sont liés à Troyes comme à Paris, mais c’est Pierre Le Rouge qui, en 1478, fait «gémir» les presses de Chablis –et la petite ville est ainsi la quatrième du royaume à accueillir l’art nouveau. Le Rouge donnera en 1483 le premier Bréviaire imprimé d’Auxerre et, peut-être, des Heures de Tours en 1485-146 (d’après l’ISTC, avec le seul exemplaire connu conservé à Varsovie), avant de venir à Paris.
Non loin de l'horloge, la maison Fournier
En effet, au fil des siècles, Auxerre regardera de plus en plus vers Paris plutôt que vers Dijon, d’autant qu’un certain nombre de personnalités proches de la cour et de la haute administration est pourvu de charges et de possessions dans le pays. L’une des figures les plus connues est celle de Jacques Amyot, né à Melun, un temps professeur à Bourges mais surtout célèbre comme éditeur et traducteur de Plutarque. Amyot, également maître de la Librairie royale, est nommé par Henri III évêque d’Auxerre (1571), et il s’attache dès lors à reconstruire son diocèse durement confronté à la crise religieuse. C’est lui qui fera venir de Sens le premier imprimeur ayant travaillé à Auxerre, pour donner le nouveau bréviaire (1580). Plus tard, au début du XVIIIe siècle, Charles Gabriel de Caylus est nommé évêque d’Auxerre (1704), où son opposition à la bulle Unigenitus le fait… exiler en 1723 (rappelons que la résidence n’est pas la pratique dominante, et que les prélats se font souvent remplacer par un vicaire, pour rester eux-mêmes à Versailles et à Paris).
Séance de travail à Auxerre... sur les livres
Dès lors, et jusqu’à la mort de Caylus (1754), le diocèse d’Auxerre devient une citadelle du jansénisme, d’autant plus dangereuse pour le pouvoir qu’elle est relativement proche de Paris, et très favorablement située sur le plan des communications. Ces conditions expliquent que la ville ait certainement accueilli une imprimerie travaillant au périodique des Nouvelles ecclésiastiques: on sait que le titre est interdit et que la police s’efforce d’en empêcher la publication, mais qu’elle n’y parviendra en définitive jamais, le périodique se poursuivant jusqu’en 1803.
Dans l’orbite de l’évêché, nous trouvons encore la célèbre famille des Fournier, imprimeurs, libraires et surtout graveurs et fondeurs de caractères. Michel François Fournier est imprimeur à Auxerre à compter de 1742, où il travaille pour la ville et pour l’évêché –même si une partie importante de sa notoriété vient de ce que son atelier accueille, en 1751, le jeune Nicolas Rétif de La Bretonne, venu de son village de Sacy pour y faire l’apprentissage d’imprimerie. Bien d'autres ouvrages ont été présentés à l'occasion de la séance foraine de la conférence d'Histoire et civilisation du livre, tenue à Auxerre le 6 juin dernier. Un grand merci à toutes celles et à tous ceux qui ont fait le succès de la journée!

3 commentaires:

  1. On doit écrire Rétif de la Bretonne et non Rétif de La Bretonne.

    C'est au bas de son acte de mariage du 22 avril 1760 que Nicolas signa pour la première fois "Restif" [sic] ; en 1767, il signa "M. de la Bretone" [sic], du nom de la ferme que ses parents avaient acheté à Sacy en 1740 ; et c'est en 1769 qu'il décida de devenir "Rétif de la Bretonne" [sic].

    RépondreSupprimer
  2. Amusante remarque : "On doit ..." alors que l'auteur lui-même était empreint d'un certain relativisme au sujet de son nom !
    Heureusement que le ridicule ne tue pas...

    RépondreSupprimer