lundi 30 décembre 2013

La première reproduction de la bibliothèque de Strasbourg

De l’attention donnée en regardant ceci… ou cela,
et de l'intérêt de cataloguer (avec soin!) les pièces et autres travaux de ville.
Voici une petite plaquette d’une trentaine de pages, qui correspond pleinement au modèle traditionnel des « exercices » de collège et d’université sous l’Ancien Régime -il s’agit en l’occurrence du domaine du droit et de la jurisprudence. La plaquette a été donnée à Strasbourg, par un imprimeur relativement secondaire, en 1626: Repp travaillait apparemment de manière régulière avec les milieux de l’université, et notamment avec les milieux de la Faculté de droit (voir le VD 17, et le répertoire de Christoph Reske).
Le feuillet initial est très élégamment mis en page, avec un bel encadrement en taille douce et pour partie à fonds noirs, composé par la juxtaposition de plusieurs compartiments. Dans le bandeau supérieur, une vue du «Collegium Argentinense» [=Collège de Strasbourg], ancien couvent des Dominicains où est établie la Haute Ecole voulue par Jacques Sturm en 1531 et devenue plus tard Académie protestante (1566), puis Université (1621). La vue est prise du côté nord, de sorte que l’on distingue le bâtiment élevé en 1589-1609 sur le flanc nord du chœur et abritant, au rez-de-chaussée, le «Grand Auditoire», et, au premier étage la bibliothèque dite «publique». La représentation n’est pas absolument exacte,  s’agissant du nombre des croisées -en principe cinq sur le grand côté, lequel donne sur la prairie (Grasboden) du collège.
Dans les quatre coins, les figures des quatre facultés (théologie, philosophie, jurisprudence, médecine). De part et d’autre, les figures du courage (virtus) et de l’honneur (honor). Enfin, dans le bandeau inférieur, nous voici devant une vue de la salle du «Grand Auditoire», avec les bancs pour les auditeurs et l’estrade, tournée vers l’est, pour les enseignants et les étudiants participant à l’exercice. La salle voûtée est soutenue par trois colonnes dont Jean Rott explique qu’elles se prolongent au premier étage. Il signale en outre que cette planche, signée «Iacob9 ab heyden sculptor excudebat», est utilisée pour la première fois en 1619 (d’où la légende, qui fait référence au «collège» et non pas à l’université), et qu’elle sera reproduite par Seyboth, Das Alte Strassburg, p. 44.
Il s’agirait, toujours d’après le regretté Jean Rott, de la première représentation graphique des bâtiments de l’ancien couvent des Dominicains: la bibliothèque, l’une des plus riches du monde, sera détruite, avec l’église et les autres bâtiments, au cours du siège de la ville par les Allemands en 1870... Une histoire de la bibliothèque de Strasbourg est aujourd'hui en préparation, pour paraître conjointement avec l'ouverture de la «BNU nouvelle».
Réf.
Anthologia Justiniana. Hoc est Sententiæ miscellæ, maximam parte politicæ, ex universo Justino, Trogi Pompeii Historiarum breviatore, collectæ: Quas, in Inclyta Vniversitate Argentoratensi, Cum bono Deo, Viro Clarissimo atque Excellentissimo, Præside Dn. Matthia Bernegero, Histor. Professore Publico, A. A. Christianus Ienisch, Eitel Sigismvndvs Lvpin, & Iosephvs Ienisch, Memingenses, Mense Septembri…, Argentorati [Strasbourg], Typis Iohannis Reppii, Anno 1626, 4°.
Bibliographie 
Jean Rott, « Sources et grandes lignes de l’histoire des bibliothèques publiques de Strasbourg détruites en 1870 », dans Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, 15, 1971, p. 145-180 ; rééd. dans Investigationes historicae, t. I, p. 633-668, dont l’annexe donnant l’état des « Sources iconographiques » aux p. 660-663.

samedi 28 décembre 2013

L'écriture, c'est le pouvoir

Dans sa critique du «tableau», Jack Goody explique:
puisque celui-ci est essentiellement un procédé graphique (et fréquemment un procédé de culture écrite), il est possible que, par son caractère bidimensionnel et figé, il simplifie la réalité du discours oral au point de le rendre quasiment méconnaissable, et que donc il réduise notre compréhension au lieu de l’augmenter (La Raison graphique, trad. fr., Paris, 1979, p. 111).
Le "Tableau synoptique de bibliologie" (pl. 1r°) que Gabriel Peignot insère à la fin du tome III (Supplément) de son "Dictionnaire de bibliologie". Un simple coup d'œil sur l'image montre les problèmes matériels que posent la construction du tableau, et sa publication par le biais du média imprimé. Il met aussi en évidence la juxtaposition de différentes techniques de manipulation de la "raison graphique", ici l'index nominum et le tableau.
Rappelons que l’auteur, dans son livre, cherche à déconstruire l’opposition ancienne entre le «primitif» et le «moderne», opposition traditionnellement fondée sur l’usage de l’écriture et des procédés d’écriture (notamment l’écriture alphabétique). C’est à partir des techniques d'écriture que se développe la «raison graphique», c’est-à-dire la pensée rationnelle de tradition occidentale. Jack Goody veut réhabiliter l’oralité et la «pensée sauvage» (pour reprendre la formule de Lévi-Strauss) aux deux niveaux, de l’en soi (la «pensée sauvage» n’est pas une forme de pensée moins évoluée), et du pour soi (son étude par les chercheurs occidentaux revient à la médiatiser par le biais des catégories de la pensée occidentale).
Nous ne discutons pas ici la problématique du tableau, mais voulons souligner le fait que, plus largement, la lecture d’un scientifique américain (par ex., un anthropologue) par un scientifique de tradition européenne réintroduit l’analyse du «pour soi». Jack Goody constate que son hypothèse de départ était erronée (nous étions trop préoccupés du «caractère unique de l’Occident», ouvr. cité, p. 31) et il s’efforce donc, dans son livre, de dépasser sa perspective a priori en prolongeant et en approfondissant son travail de recherche.
Cette problématique ne nous concerne que par ses prolongements. De fait, nous ne saurions plus de longue date, ni établir, ni justifier sur le plan scientifique une quelconque hiérarchie des cultures. L’historien du livre est aussi un historien de la lecture, il est par conséquent familier de l’articulation entre l’oralité et l’écriture, et il sait que cette articulation ne recouvre pas une hiérarchie a priori. S’il y a, de fait, hiérarchie, c’est que celle-ci est construite, et qu’elle correspond fondamentalement à une forme de pouvoir. Nous avons montré, dans L’Europe de Gutenberg (Paris, 2006), que
l’outil de la suprématie urbaine [était] constitué par la pratique et l’enregistrement de l’écrit. Le premier et décisif avantage de la ville lui est apporté par la maîtrise dans les domaines de la rationalité et des techniques de communication et de gestion, et par l’accumulation (y compris l’accumulation des richesses) que cette maîtrise autorise (p. 25).
Le pouvoir et la richesse sont liés à la maîtrise de l’écriture, et à la rationalité, donc à l'efficacité, que celle-ci permet (nous ne sommes pas si loin de la rationalité bureaucratique de Max Weber). Paradoxalement, l’écriture, et l’imprimerie, ne sont pas en soi synonymes de libération ni de liberté, comme l’ont théorisé de manière quelque peu idéaliste les philosophes de la fin du XVIIIe siècle: l’écriture, c’est aussi l'enregistrement, et l’élargissement de la lecture grâce à l’imprimerie s’accompagne bientôt de la mise en place d’institutions et de procédures de surveillance et de contrôle.
Les pouvoirs de l’écrit, pour reprendre un titre de Henri-Jean Martin, se déploient, certes, immédiatement, mais ils se déploient aussi a posteriori: c’est celui qui maîtrise l’écriture et sa pratique, qui se trouve en situation, et de facto en droit, de communiquer. L’histoire, en tant que récit du passé et en tant que discipline scientifique, se construit par la médiation de l’écrit, et ceux qui sont d’abord privilégiés par le récit sont logiquement ceux qui ont laissé des traces écrites. Or, la très grande majorité de la population échappe aux sources traditionnelles, et reste donc silencieuse. Même si, depuis plusieurs générations, l’historien s’efforce d’inventer (en s'inspirant souvent de l'anthropologie) de nouvelles sources pour mieux connaître et mieux questionner cet «homme du commun» et son environnement, dans le temps aussi, l’écriture, c’est le pouvoir. Au-delà des pétitions de principe (il faut réhabiliter les cultures orales!), une œuvre comme celle de Rudolph Schenda reste fondatrice à cet égard, s’agissant de l’articulation de l’oral et de l’écrit, tout comme  de l'articulation de l’image et du texte.
Pour autant, les rapports de forces évoluent aussi avec le temps, et tout particulièrement avec les «révolutions» des formes de médiatisation -des médias. Nous avons signalé que l’imprimerie, qui correspond à un élargissement massif du public des lecteurs, était aussi le temps de mise en place de nouvelles structures et de nouvelles procédures de contrôle. L’équilibre bouge à nouveau en profondeur à partir du dernier tiers du XVIIIe siècle, quand la question de la médiatisation s’impose comme une question politique centrale. Il bouge encore plus aujourd’hui, avec les «nouveaux médias», dont l’un des avantages les plus sensibles est précisément de permettre, en principe, au plus grand nombre de prendre publiquement la parole… par exemple par le biais d’un blog.

mercredi 25 décembre 2013

Bibliologie et sciences de l'information

Peignot, Gabriel,
Dictionnaire raisonné de bibliologie, contenant, 1) l’explication des principaux termes relatifs à la Bibliographie, à l’Art typographique, à la Diplomatique, aux Langues et aux Archives, aux Manuscrits, aux Médailles, aux Antiquités, etc.; 2) des notices historiques détaillées sur les principales Bibliothèques anciennes et modernes ; sur les différentes Sectes philosophiques; sur les plus célèbres imprimeurs, avec une indication des meilleures éditions sorties de leurs presses, et sur les Bibliographes, avec la liste de leurs ouvrages; 3) enfin, l’exposition des différens Systèmes bibliographiques, etc. Ouvrage utile aux Bibliothécaires, Archivistes, Imprimeurs, Libraires, etc. Par G. Peignot, Bibliothécaire de la Haute-Saône, Membre correspondant de la Société libre d’émulation du Haut-Rhin. Tome premier [second],
A Paris, chez Villier, libraire, rue des Mathurins, n° 396, an X-1802.
2 vol. et 1 vol. de suppl. [A Paris, chez A. A. Renouard, an XII-1804], 8°.

Gabriel Peignot (1767-1849) illustre de manière idéaltypique la conjoncture des années 1800 sur deux points essentiels.
Sa carrière, d’abord. Ce fils d’un lieutenant au bailliage d’Arc-en-Barrois, s’oriente en effet vers la filière classique pour les élites du Tiers, en faisant des études de droit et en s’établissant comme avocat à Vesoul en 1786. Mais les bouleversements de la Révolution réorientent complètement son cursus. Jusqu’en 1789, les professions «intellectuelles» étaient pratiquement réservées à des clercs, membres de l’Eglise, ou à des juristes. Avec la sécularisation  des institutions publiques, de nouvelles possibilités s’ouvrent progressivement, dont Gabriel Peignot nous donne un très bon exemple.
En 1792, la municipalité de Vesoul lui confie la charge nouvelle de bibliothécaire, à laquelle il ajoutera celle de principal du collège en 1803. Il sera nommé inspecteur de la librairie à Dijon en 1813, puis inspecteur académique de Saône-et-Loire. Vice-président (1818), puis président (1832) de l’Académie de Dijon, il terminera sa carrière, en 1838, comme inspecteur honoraire de l’académie de Dijon. L'avenir des intellectuels, décidément, c'est la fonction publique.
Voilà donc un homme qui aura vécu un des bouleversements les plus profonds de la civilisation contemporaine, puisqu’il s’agit non seulement de la période révolutionnaire et du passage de l’Ancien Régime à la modernité, mais aussi des prodromes de la «seconde révolution du livre», celle de la mécanisation et, à terme, de la «massification» (combinaison du grand tirage, de la baisse du prix de vente, et de l’élargissement du public concerné). En somme, Gabriel Peignot illustre pleinement ces stratégies nouvelles, qui permettent à un intellectuel de vivre sans sacrifier ce qui fait sa passion, la connaissance et le support de celle-ci, le livre et l’imprimé.
Le second point sur lequel nous insisterons se rapporte à la théorie de l’information et de la communication: Gabriel Peignot est en effet considéré comme l’inventeur du terme -et du concept- de «bibliologie», même si cette paternité serait plus ou moins discutable. Ce qui nous intéresse ici, c’est le fait que la période au cours de laquelle il a vécu a été marquée par une idéologie très caractéristique, celle de la croyance dans le progrès, et dans l’idée que ce progrès est rendu possible par la circulation des connaissances -la diffusion stricto sensu du savoir s’articulant avec l’élaboration de connaissances nouvelles.
Dans cette perspective, dont Condorcet sera l’un des théoriciens les plus célèbres (mais on pourrait aussi penser à Daunou), la théorie des médias, alias la bibliologie, devient, en place de la théologie, le domaine fondamental sur lequel s’appuient les autres champs du savoir: la définition de l’Encyclopédie comme le «livre des livres» va dans ce sens, de même que celle de la bibliologie comme la «science des sciences», ou encore le choix, à l’époque de la Révolution, de «nationaliser» les bibliothèques pour les mettre à la disposition du plus grand nombre, puis de créer, dans les différents départements, un enseignement de «bibliographie» censé donner à chacun les outils de sa propre émancipation. Dans les bibliothèques de l’avenir, la classe «Bibliographie, science du livre» se substituera parfois à l’ancienne classe de la Théologie comme constituant le socle du savoir. La définition de la «bibliologie» par Peignot explicite pleinement sa pensée:
Il est une science qui n'a pas marché de front avec les autres, quoiqu'elle tienne à toutes, et qui a été négligée, quoi que très intéressante: je veux parler de la Bibliologie. Pour en faire sentir l'importance, il suffit de la définir et de présenter un aperçu rapide des principaux objets qui lui appartiennent et qui font l'objet de cet ouvrage.
La Bibliologie, embrassant l'universalité des connaissances humaines, s'occupe particulièrement de leurs principes élémentaires, de leur origine, de leur histoire, de leur division, de leur classification et de tout ce qui a rapport à l'art de les peindre aux yeux et d'en conserver le souvenir par le moyen de signes, soit hiéroglyphiques ou épistoliques, soit manuscrits ou imprimés. On voit, par cette définition, que la Bibliologie peut être considérée comme une espèce d'encyclopédie littéraire-méthodique, qui, traitant sommairement et descriptivement de toutes les productions du génie, assigne à chacune d'elle la place qu'elle doit occuper dans une bibliothèque universelle. Elle diffère de la Bibliographie, en ce que cette dernière science ne comprend, à proprement parler, que la description technique et la classification des livres, au lieu que la Bibliologie (qui est la théorie de la Bibliographie) présente l'analyse des connaissances humaines raisonnées, leurs rapports, leur enchaînement et leur division; approfondit tous les détails relatifs à l'art de la parole, de l'écriture et de l'imprimerie, et déroule les annales du monde littéraire pour y suivre pas à pas les progrès de l'esprit humain.

D’une certaine manière, nous sommes ici devant un phénomène qui rappelle le statut privilégié aujourd’hui donné aux «sciences de l’information et de la communication». Il y aurait encore à dire sur une multitude de points soulevés, explicitement ou non, par Gabriel Peignot, tels que le statut de l’auteur (face aux plagiaires…), ou encore le rôle de la raison, et le sens de la formule de «Dictionnaire raisonné».

 
Réf. : Quérard, France littéraire, VII, p. 10 et suiv. (article PEIGNOT, et sur le Dictionnaire raisonné, p. 17 et 18). La notice développe surtout les emprunts et plagiats dont le travail de Peignot a fait l’objet.

lundi 23 décembre 2013

Vœux de Noël


Joyeux Noël,
et très bonne nouvelle année
2014!

Ein frohes Weihnachten
und ein glückliches Neues Jahr
2014!

dimanche 15 décembre 2013

Conférences d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
 
Lundi 16 décembre 2013
14h-16h
Trajectoires éditoriales (2) : le Gradus ad Parnassum,
par Madame Emmanuelle Chapron

16h-18h
Illustrer, persuader, servir:
le décor des bibliothèques, 1627-1851
par Monsieur Frédéric Barbier


Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

vendredi 13 décembre 2013

Histoire et civilisation du livre. Revue internationale (9e livraison)

Vient de paraître:
Histoire et civilisation du livre. Revue internationale, IX (2013),
Genève, Librairie Droz, 2014 [sic pour 2013], 354 p., ill.

SOMMAIRE
L’histoire du livre en Italie: entre histoire de la bibliographie, histoire sociale et histoire de la culture écrite, par Lodovica Braida
Completing the record, par Nicolas Barker
DOSSIER
L’histoire du livre au XVIe siècle, au regard des autres disciplines, dossier publié sous la direction de Raphaële Mouren
Cadavres exquis bibliographiques. Ce qu’enseignent deux singuliers montages de libraire sur le marché du livre poétique au XVIe siècle, par Guillaume Berthon
Livre et langue latine à la Renaissance: quelques questions de pédagogie et d'histoire, par Martine Furno
La censura ecclesiastica romana e la cultura dei «semplici», par Gigliola Fragnito
Le traité de Sebastiano Serlio: œuvre d’une vie et chantier éditorial magistral du XVIe siècle, par Sabine Frommel
Un nouveau regard sur le patrimoine culturel: les contacts entre réseaux humanistes et l’analyse du corpus de livres au XVIe siècle, par István Monok
Les informations sur la culture du XVIe siècle européen que porte le livre mathématique, par Jean Dhombres
ÉTUDES D’HISTOIRE DU LIVRE
L’âme des royaumes: l’opinion à l’époque moderne et la polémique autour de la bataille de Montijo (1644-1645), par Daniel Saraiva
Royal Book Censorship on the Eve of Revolution: (May-December 1788), par Raymond Birn
Les États de Languedoc, éditeurs des Lumières?, par Henri Michel
Choses banales, imprimés ordinaires, «travaux de ville»: l'économie et le monde de l'imprimerie que nous avons perdus, par James Raven
Théodore Bailleul (1797-1875), ou le prote devenu directeur de l’Imprimerie Mathématique de (Mallet)-Bachelier (1812-1864), par Nobert Verdier
De la France, de l'Allemagne: les relations transnationales de librairie à Strasbourg dans la première moitié du XIXe siècle, par Frédéric Barbier
LIVRES, TRAVAUX ET RENCONTRES
L’édition vénitienne et l’Europe centrale, XVe-XVIe siècles, par István Monok
Comptes rendus: Maria Gioia Tavoni, Circumnavigare il testo. Gli indici in età moderna (Paolo Tinti); Primus Truber 1508-1586 (István Monok); Lyse Schwarzfuchs, L’Hébreu dans le livre à Genève au XVIe siècle (István Monok); «Je lègue ma bibliothèque à …» (István Monok); Anna Sigridur Arnar, The Book as Instrument. Stéphane Mallarmé (Michel Melot); Les Bibliothèques d’artistes (XX-XXIe siècles) (Florence Alibert); Marie-Françoise Cachin, Une Nation de lecteurs ? La lecture en Angleterre, 1815-1945 (Lucile Trunel); Cécile Cottenet, Une histoire éditoriale: The Conjure Woman, de Charles Chesnutt (Claire Parfait); Virgil Cândea, Mărturii româneşti peste hotare (Mihaela Bucin) 

La revue Histoire et civilisation du livre est publiée depuis 2005 (voir les sommaires des tomes I à IX, 2005-2013). Le rédacteur en chef en est Frédéric Barbier (EPHE et CNRS). Le Comité de rédaction est composé de Mmes et MM
Catherine Bertho Lavenir (Paris III), Emmanuelle Chapron (Aix- Marseille), Jean-Marc Chatelain (Bibliothèque nationale de France), Roger Chartier (Collège de France), François Déroche (Institut de France), Jean-Pierre Drège (EPHE), Sabine Juratic (CNRS), Claire Lesage (Bibliothèque nationale de France), Michel Melot (Inventaire général), Jean-Dominique Mellot (Bibliothèque nationale de France), Jean-Yves Mollier (Versailles / St-Quentin-en Yvelines), Raphaële Mouren (ENSSIB), Daniel Roche (Collège de France), Yann Sordet (Bibliothèque Mazarine), Marie-Hélène Tesnière (Bibliothèque nationale de France), Dominique Varry (ENSSIB).

mercredi 11 décembre 2013

Soutenance de thèse en histoire du livre

Soutenance de thèse en histoire du livre

Marie-Claire Boscq soutiendra sa thèse de doctorat,
préparée sous la direction de Jean-Yves Mollier,
sur
La librairie parisienne sous surveillance (1814-1848).
Imprimeurs en lettres et libraires sous les monarchies constitutionnelles
  le jeudi 12 décembre 2013 à 14h30

Jury : Mmes et MM
Frédéric Barbier, directeur d’études à l’EPHE, directeur de recherche au CNRS (Ens/ Ulm), membre de l’Institut d’études avancées de l’université de Strasbourg,
Christine Haynes, professeur à l’université de Charlotte (Etats-Unis), pré-rapporteur,
Jean-Dominique Mellot, conservateur en chef à la Bibliothèque nationale de France,
Jean-Yves Mollier, professeur à l’université de Versailles- St-Quentin, directeur de la thèse,
Elisabeth Parinet, directeur d’études à l’Ecole nationale des chartes, pré-rapporteur,
Jean-Claude Yon, professeur à l’université de Versailles- St-Quentin, directeur de la thèse

La soutenance est publique. Elle aura lieu à l’université de Versailles- Saint-Quentin, bâtiment d’Alembert, salle des thèses, 57 bd d’Alembert, 78280 Guyancourt.
Le quartier des libraires, à Paris, avant Haussmann
Marie-Claire Boscq situe son étude sur la surveillance de la librairie au temps des dernières monarchies françaises, de 1814 à 1848, dans Paris intra-muros. Les textes fondateurs de Napoléon Ier (décret du 5 février 1810) et de Louis XVIII (loi du 21 octobre 1814) constituent en effet le socle de la surveillance, avec la création de ces deux institutions majeures que sont, d’une part, l’administration chargée de la gestion et de la surveillance du commerce des écrits (la « librairie ») et, d’autre part, l’instauration d’un brevet professionnel obligatoire pour tout imprimeur en lettres et libraire tenant boutique. S’y ajoute la mise en place d’un numerus clausus pour les imprimeurs typographes.
L’étude se divise en trois parties.
La première s’attache aux conditions d’obtention du brevet, véritable sésame d’«entrée en librairie», que suit une analyse quantitative et qualitative des 1800 brevetés parisiens de la période (analyse conduite sur la base des dossiers de brevets conservés aux Archives nationales). La deuxième partie s’intéresse aux «armes de la surveillance»: d’une part, son cadre légal et réglementaire et, de l’autre, les hommes chargés du contrôle, inspecteurs de la librairie et commissaires de police. La surveillance en action est l’objet de la troisième partie: contrôle des professionnels et contrôle des ouvrages. Les écrits contraires à l’ordre politique, religieux ou moral du moment sont dénoncés et les professionnels poursuivis. Les condamnations prononcées à leur encontre sont nombreuses et peuvent être lourdes (amendes et prison). La presse périodique et le théâtre ne sont pas pris en compte dans cette étude.
En conclusion, entre liberté de publier annoncée par les Chartes et censure inavouée, cette étude souligne les hésitations du pouvoir monarchique que trahissent les inflexions politiques des différents gouvernements (communiqué par M.-C. Boscq).

dimanche 8 décembre 2013

Conférences d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre
 
Lundi 9 décembre 2013

16h-18h
Illustrer, persuader, servir:
le décor des bibliothèques, 1627-1851
par Monsieur Frédéric Barbier

La Bibliothèque à l'ère industrielle: Ste-Geneviève, à Paris
De quoi parlons-nous, en définitive, lorsque nous parlons du «décor» à propos d’un bâtiment ou d’un local comme une bibliothèque? Le terme de décor prend, en français du moins, deux acceptions principales.
1) Il s’agit, d’abord, des éléments de tous ordres qui décorent, alias qui embellissent, un certain lieu, et dont l’objectif est le plaisir (delectatio) du visiteur. Ces éléments ont cependant aussi d’autres fonctions, souvent d’ordre démonstratif: mettre en évidence un certain nombre de concepts et de catégories, et qui touchent à la religion, à une construction abstraite (par ex. une branche de la connaissance), à la gloire d’une maison princière, etc.
2) Mais le décor désigne aussi un dispositif représentant un certain lieu, dans une acception qui est tout particulièrement celle du décor de théâtre: la représentation reproduit l’image de quelque chose qui lui est extérieur. Par métaphore, un paysage, une disposition d’urbanisme, ou autre pourra être décrit comme un décor, ou comme la représentation d’un décor (on connaît l’exemple de Rome). L’art baroque est tout particulièrement imprégné par l’idée de la représentation comme décor. Si cette acception semble a priori plus éloignée de notre problématique, elle s’y rencontre pourtant souvent, par la pratique des trompe l’œil (comme à Eger, mais aussi à la coupole du Clementinum de Prague), ou encore par la représentation des frondaisons (par ex. dans le hall d’entrée de la nouvelle Bibliothèque Sainte-Geneviève). Plus largement, le baroque étant souvent défini comme une forme d’expression théâtralisée, le dispositif du théâtre se donne logiquement à voir dans le décor des bibliothèques : le décor suggère la présence de quelque chose d’autre que ce que l’on sait être présent...

Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).
Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

vendredi 6 décembre 2013

Le baroque et l'histoire du livre

Le chercheur doit être d’autant plus attentif, dans le domaine des sciences humaines, aux problèmes du lexique, que celui-ci fonctionne pour chacun comme une évidence. Or, un terme reçu dans une acception donnée par une certaine communauté scientifique ne le sera pas dans les mêmes conditions par une autre: au sein même d’une certaine collectivité linguistique, les historiens de l’art prendront tel ou tel terme dans une autre acception que ne le feront, par ex., les historiens de la littérature.
Parmi ces termes dont l’acception change, celui de baroque occupe une place spécifique. Son utilisation se limite pratiquement, en français, au domaine de l’histoire de l’art: le baroque se distingue aussi bien de l’art «Renaissance» que de l’art «classique» (dont Louis XIV représente l’idéaltype), du «rocaille» ou du néo-classique (s’agissant aussi d’esthétique typographique, d’architecture et de décor des bibliothèques). La tradition allemande, qui inspire aussi Victor L. Tapié (Baroque et classicisme, 1ère éd., Paris, 1958), dépasse ce schéma: d’ordre d’abord politique, l’«âge baroque» (das barocke Zeitalter) couvre peu ou prou la période de la seconde moitié du XVIe, puis des XVIIe et XVIIIe siècles. Le renversement de l’esthétique au politique permet une analyse globale de processus a priori disjoints, sans pour autant négliger, bien au contraire, le domaine artistique. 
Coupole de la bibliothèque du monastère des Servites, Prague
L’ouverture du règne personnel de Louis XIV est ainsi marquée par un carrousel d’inspiration baroque, dans lequel, autour du roi-soleil, les princes du sang conduisent les représentants imaginaires des différents peuples exotiques (1662). Deux ans plus tard, la fête des Plaisirs de l’île enchantée, à Versailles, dure trois jours et reprend les épisodes de l’Orlando furioso. L’inversion du rapport art /politique, déjà suggéré par Tapié, permet de comprendre comment le château de Versailles, parangon du classicisme, peut être reçu comme une manifestation du système baroque. Plus d’un siècle plus tard, le rôle d’un personnage comme Bodoni, théoricien du néo-classique, peut s’analyser dans cette perspective, mais son action se déploie alors même que la conjoncture générale change très profondément, et que le temps du baroque s’efface derrière une configuration radicalement nouvelle.
Comment caractériser ce «temps du baroque», qui se superpose en grande partie à la modernité? Dans le long terme, l’histoire de l’Europe est scandée par un certain nombre d'événements majeurs, eux-mêmes générateurs de nouveautés et de tensions qui ne sont que progressivement découvertes et réduites. La seconde moitié du XVe siècle a de longue date été reconnue comme l’un de ces moments, avec la disparition définitive de l’Empire romain d’Orient (1453) et avec la découverte du Nouveau monde (1492) –sans oublier l’invention de l’imprimerie (1452). 
Une conséquence de ces phénomènes semble paradoxale: le Habsbourg, seul empereur d’Europe depuis la chute de Constantinople, a une position privilégiée; mais, à moyen terme, le déclenchement de la Réforme entraîne l’abandon du rêve de societas christiana unifiée, et met en cause le statut de chef séculier de la chrétienté. De plus, si l’Europe s’est dilatée vers l’est et si la civilisation européenne va bientôt se propager à travers le monde, c’est aussi, à la fin du XVe et au XVIe siècle, le temps de l’apogée de l’empire ottoman (1526!): pour plus d’un siècle, l’Europe est une Europe assiégée. 
Les changements sont particulièrement sensibles dans le cadre géo-politique du Saint-Empire. Si le statut de l’empereur sera conservé jusqu’au début du XIXe siècle, la dislocation de la hiérarchie féodale fait que son rôle correspond à une forme de plus en plus creuse et vidée de sa signification. Partout, les liens féodaux de personne à personne s’affaissent, au profit d’un pouvoir désormais assis sur la domination d’un certain territoire et conduit par une recherche de l’efficacité raisonnable. Autant de phénomènes qui intéressent au premier chef l’histoire –et l’historien– du livre.
Le prince de Condé en "empereurs des Turcs" (Bibliothèque de Versailles)
L’écrit et l’imprimé tiennent en effet un rôle stratégique, et d’abord s’agissant de publicistique: le prince, qui est aussi le prince des lettres et des arts, est le dépositaire légitime de la parole publique. En France, l’Affaire des Placards (1534), l’institution du dépôt légal par l’ordonnance de Montpellier (1537), ou encore la réglementation de la branche d’activité de la «librairie» (ordonnance de Moulins, 1566) s’inscrivent dans cette problématique. Mais il s’agira aussi de surveillance et de censure, ou encore de la gestion et du traitement de l’information en tant que prélude à la prise de décision (ce que théorisera et pratiquera Gabriel Naudé, au milieu du XVIIe siècle, dans la bibliothèques de Mazarin). 
Les transformations induites par la dislocation des anciens modèles et solidarités ne vont pas sans crises très graves, qui touchent l’ensemble de l’Europe et s’étendent sur plusieurs générations –sur le plan de la politique intérieure, on pense aux guerres de religion, à la guerre de Trente ans ou encore, dans un registre plus politique, aux crises qui se produisent en France à chaque minorité royale jusqu’à la Fronde, voire plus tard. La réduction des tensions se fait progressivement, par l’élaboration d’un autre paradigme politique, celui de l’absolutisme, et sous des formes très différentes d’une géographie ou d’un Etat à l’autre: ce modèle politique moderne, qui émerge et qui est progressivement théorisé, est défini comme celui du «baroque», et il s’appuie en grande partie sur l’écrit et sur l’imprimé. 

Courses de testes et de bagues faittes par le Roy et par les princes et seigneurs de sa cour en l’année 1662, Paris, Imprimerie royale, 1670. Cf , Paris, capitale des livresdir. Frédéric Barbier, Paris, Paris-Bibliothèques, PUF, 2007, n° 76. Frédéric Barbier, « 1452 : une date pour l’Europe », dans 500 de ani de la prima carte tiparita pe teritoriul României. Lucrarile simpozionului international Cartea, România, Europa. Editia I, 20-23 Septembrie 2008, Bucuresti, Editura Biblioteca Bucurestilor, 2009, p. 57-75.

dimanche 1 décembre 2013

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 2 décembre 2013

16h-18h
Introduction à l’histoire des bibliothèques (2)
Le livre et la civilisation baroque
par
Monsieur Frédéric Barbier

Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux, où l'on peut notamment s'informer et se procurer les livrets du Programme des conférences 2013-2014. Accès les plus proches (250 m. à pied): Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare. Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg). Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand).

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).