vendredi 30 janvier 2015

Les archives des bibliothèques

Les archives des bibliothèques sont une source négligée, mais dont les richesses sont réellement très grandes. À la Bibliothèque de l’Université de Bâle, dont le détail des catalogues d’archives est en grande partie disponible en ligne, le fonds de la correspondance reçue est tout particulièrement intéressant, avec, entre autres, des lettres de libraires éditeurs attentifs à identifier les titres susceptibles d’être d’entrer dans leur catalogue (comme E. Augé à Rouen en 1880). Mais voici encore des lettres de personnalités du monde savant comme Karl Batsch (Heidelberg, 1879) ou encore Samuel Berger (Paris, 1879). Baudrier prépare son voyage de Lyon à Bâle, et il écrit au conservateur, Sieber, le 29 mai 1879:
Monsieur,
Mon compatriote et confrère en bibliophilie, M. Renard, a bien voulu vous demander si je ne vous serai [sic] pas importun en allant, vers le milieu de juin, étudier sous votre direction les précieux incunables de la Bibliothèque dont la surveillance vous est confiée. Vous avez eu l’obligeance de lui promettre pour moi le plus cordial accueil. Je ne veux pas attendre de l’avoir mis à l’épreuve pour vous en remercier. Il y avait au XVe siècle et au commencement du XVIe, entre nos deux villes, des relations bien plus intimes qu’elles ne le sont de nos jours. Je tiens pour certain que l’imprimerie nous est parvenue par l’intermédiaire de Bâle, et je tiens à examiner les monuments qui vous restent de ses débuts chez vous, pour les comparer avec les nôtres. Tel est le but principal du voyage dont, grâce à votre concours, j’espère revenir chargé de notes et de souvenirs précieux.
Je ne peux pas déterminer exactement l’époque de mon départ, étant obligé de faire coïncider mon absence avec les exigences de mes fonctions [Baudrier est président de la cour d'appel]. Je ne pense pas cependant me tromper de beaucoup en vous disant que j’aurai vraisemblablement le plaisir de vous voir dans quinze jours ou trois semaines.
Veuillez en attendant, Monsieur le Conservateur, agréer avec mes remerciements la bien vive expression de mes meilleurs sentiments (Archiv UB Basel, A-I 13a).
D’autres lettres suivront, en 1880, dans lesquelles Baudrier remercie le conservateur de son accueil… et lui demande de nouvelles précisions. Dans une lettre du 9 mars 1880, il le remercie de lui avoir déposé, lors de son passage à Lyon, un
délicieux plan de Bâle » : …Merci du Plan de Bâle. Il est parfait, et l’épreuve que vous me donnez est excellente. Je vois les cellules des anciens chartreux de la vallée de Sainte-Marguerite, et avec un peu d’imagination je pourrai me figurer que je distingue celle de Jean de la Pierre
Lettre du président Baudrier, 1879 (Univ. Bibl. Basel, Archiv)
Nos réseaux savants, qui recoupent des réseaux commerciaux (les livres aussi circulent) rassemblent des savants, mais aussi des bibliothécaires, des personnalités des différentes institutions universitaires ou autres (académies, sociétés savantes, etc.) et des libraires: à Francforts-s/Main, la grande librairie Baerntravaille notamment pour la Bibliothèque de Bâle, tandis qu’à Nancy Oscar Berger-Levrault poursuit sa collecte des éditions de thèses strasbourgeoises, et propose des échanges, et des services.
En somme, dans les bibliothèques, on trouve des livres, certes, et «bien d’autres choses», comme on me l’a un jour finement fait remarquer. Mais on trouve aussi ce que l’on y cherche trop peu, des archives, qu’il conviendrait d’abord de préserver en les conservant dans de bonnes conditions, en les classant, et en les cataloguant, avant de pouvoir les étudier. Nul doute que leurs apports seraient considérables s’agissant des pratiques du travail intellectuel, mais aussi de l’organisation et du fonctionnement des champs littéraire et scientifique parfois depuis le XVIIIe siècle –sans parler de l'archivistique elle-même, et des développements de la rationalité bureaucratique dans l'institution bibliothécaire.
Autant de fonds richissimes qui attendent d’être repérés, et exploités. 

Bibliogr.: Henri Baudrier, Une Visite à la Bibliothèque de l'Université de Bâle, par un bibliophile lyonnais, Lyon, À la Librairie ancienne d'Aug. Brun, 1880.

dimanche 25 janvier 2015

Bien écrire et bien lire

Frédéric Nietzsche, Le voyageur et son ombre, trad. fr. par Henri Albert, nelle éd., Paris, Denoël/ Gonthier, 1979, aphorisme n° 87.

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 26 janvier 2015
16h-18h

Histoire des corporations du livre (1)

par

Monsieur Jean-Dominique Mellot,
conservateur général à la Bibliothèque nationale de France



Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 115). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
Accès les plus proches (250 m. à pied)
Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

mercredi 21 janvier 2015

L'édition touristique... au XVIIIe siècle

Lorsque le jeune Goethe arrive à Strasbourg (1770) pour y séjourner, s’inscrire à l’Université et y soutenir sa thèse, le premier monument qu’il visite est la cathédrale, à laquelle il reviendra à plusieurs reprises dans son autobiographie Poésie et vérité (Dichtung und Wahrheit), et encore, bien plus tard, dans ses Conversations avec Eckermann. La cathédrale et sa tour le subjuguent réellement, et c’est à Strasbourg qu’il théorisera sa définition de l’«art gothique» comme «art allemand» –une conception que l’on peut certes discuter, si l’on considère l’importance de l’influence de l’Île-de-France et de ses «bâtisseurs» dans la diffusion du modèle de la cathédrale gothique.
Le renom de la cathédrale de Strasbourg n’est plus à faire au XVIIIe siècle, aussi bien en Allemagne que plus généralement en Europe occidentale. Le médecin strasbourgeois Georg Heinrich Behr (1708-1761) lui consacre dès 1732 un volume illustré, sous le titre de Straßburger Münster- und Thurn Büchlein… (= Livret de la cathédrale et de la tour de Strasbourg, ou Brève présentation des choses remarquables qui sont à voir dans la cathédrale et dans la tour : VD18 10202382).
Le petit in-octavo imprimé en Fraktur par Simon Kürsner (Simon Kürßner II, 1730-1734) est illustré de huit gravures sur cuivre signées Danneker. Il est disponible à l’adresse de Christian Seyfridd (ou Seyfried), libraire au Marché-aux-cerises (am Kirchenmarkt). D’après Paisey (dont les informations restent pourtant à préciser), Seyfridd aurait succédé à Martin Wagner, avant que l’affaire ne passe en 1751 à Konrad Schmidt. Plusieurs autres titres témoignent en tous les cas de la permanence d’une association entre Kürßner et Seyfridd. Signalons ici le fait que la place du Marché-aux-cerises se situe à proximité immédiate de la cathédrale, de sorte que c’est bien évidemment là que les voyageurs et autres curieux se procureront leur manuel pour visiter le monument: l’endroit idéal, en somme, pour assurer la vente du «Livret».
Un demi-siècle après la «réunion» de Strasbourg à la France louis-quatorzienne, le marché de la librairie est entré en crise dans la capitale de l’Alsace: les logiques qui intégraient les professionnels strasbourgeois dans les circuits de la «librairie allemande» sont alors en voie de déconstruction rapide, alors même que le royaume reste dominé par les grandes maisons parisiennes, impossibles à concurrencer. Il ne subsistera dans notre ancienne république libre tombée au rang de capitale provinciale, que la production de «travaux de ville», de plaquettes d’intérêt régional ou local, et de quelques titres, notamment en allemand (parce que la concurrence parisienne ne joue évidemment pas sur ce marché). Le petit volume de Behr est de ces derniers.
Dans cette conjoncture médiocre, la spéculation sur notre petit guide apparaît pourtant comme un succès remarquable. Le texte, repris et augmenté par Joseph Schweighäuser, «notaire apostolique», est publié à nouveau en 1744 (VD 18 14882256), 1745 (VD 18 1087030X), 1765 et 1773. L’édition de 1765 sort des presses de Christmann et Levrault («imprimeurs de l’intendant et de l’Université catholique»), et elle est diffusée par Frantz Anton Häußler, lui aussi relieur sur le Marché-aux-cerises.
De plus, notre guide est très vite traduit en français, la langue internationale du temps –en 1733, 1743, 1770, 1780 et 1788, encore cette liste n’est-elle très probablement pas complète. Le transfert se fait d'une langue à l'autre par l’intermédiaire d’un autre strasbourgeois, François Joseph Böhm, «maître de langues en cette ville». Ces professionnels travaillent dans un environnement le plus souvent bilingue, de sorte que l'ouvrage est toujours imprimé par Kürßner. L’avertissement du traducteur témoigne en revanche de la méconnaissance quasi-complète de la langue allemande en France, avant de conclure sur l’observation selon laquelle
les auteurs que l’on y trouvera allégués [dans le volume] aïant tous écrit en allemand, à la réserve de celui de l’Histoire d’Alsace, on espère que le lecteur françois voudra bien rendre cette justice au nôtre, de s’en rapporter à sa bonne foi et à sa fidélité dans les citations.
L’intégration géographique croissante, la facilité plus grande de circulation, la montée, côté français, des curiosités à l’égard de l’Allemagne, peuvent expliquer qu’une modeste publication de la décennie 1730 s’impose en définitive comme un véritable best-seller jusqu'à la Révolution. La nécessité de limiter les coûts, donc les investissements et le prix de vente, n’empêche pas que l’ouvrage, certes modeste, ne se signale par une certaine recherche formelle, avec sa page de titre en rouge et en noir (en français), avec ses bois gravés et avec ses tailles-douces. Même s’il est toujours utopique d’évaluer des chiffres de tirage sur lesquels on ne sait rien de précis, on peut supposer qu’avec un chiffre moyen de 1500 exemplaires par édition, ce sont en définitive quelque 20 000 exemplaires du  guide qui ont pu être diffusés dans les deux langues au cours du XVIIIe siècle...
Bien d'autres observations seraient à faire, sur le contenu même du texte, sur les conditions de la traduction, sur le rôle d'un certain monument pour l'identité d'une ville, ou encore sur la poussée de curiosités qui, d'une certaine manière, annoncent la sensibilité romantique. Retenons simplement, pour aujourd'hui, l'enseignement important pour l'historien du livre: l'intérêt de l'étude d'un titre n'est pas lié à son caractère exceptionnel, et le Guide de la cathédrale montre au contraire qu'un objet relativement modeste sera le cas échéant d'autant plus riche d'enseignements.
NB- Deux clichés: exemplaires de la Bibliothèque municipale de Valenciennes.

dimanche 18 janvier 2015

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 19 janvier 2015
16h-18h

Une histoire du livre et de la librairie à Paris (6):
l'Ancien Régime (4: XVIIIe siècle).
Le journal du libraire Siméon Prosper Hardy
par
Madame Sabine Juratic,
chargée de recherche au CNRS (IHMC)


Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 115). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
Accès les plus proches (250 m. à pied)
Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

mardi 13 janvier 2015

Un colloque sur Don Quichotte

 
Portrait de l'auteur, dans l'éd. de Madrid, 1780
La problématique de l’histoire du livre est toujours par essence une problématique transversale, articulant histoire proprement dite, histoire littéraire, mais aussi histoire de l’art, etc. La question de la «littérature» est bien évidemment en son centre, à travers notamment le cas des figures et des œuvres fondatrices que peuvent représenter certains auteurs et certains textes: nous pensons aux «classiques» de la littérature française (la dernière livraison de Histoire et civilisation du livre propose un important article de notre collègue Alain Riffaud sur Molière et son «libraire éditeur»), mais nous pensons bien évidemment aussi à des figures fondatrices comme celles de Shakespeare, de Goethe –et de Cervantès.

Le texte du Don Quichotte intéresse de longue date tous les historiens du livre –et ce blog l’a d’ailleurs déjà évoqué: il s’agira aussi bien de la problématique de l’écriture et de la publication, que de celle de l’identité (Qu’est ce qu’une littérature nationale?), de la définition des auteurs et des textes «majeurs», de la représentation et de la lecture elle-même (à laquelle ce blog a déjà consacré un billet rapide). Nous annonçons avec le plus grand plaisir la prochaine journée d’étude organisée par l’université de Paris III, et accueillie, d’abord, par la Bibliothèque Mazarine, puis par le Collège d’Espagne (qui possède lui aussi une très intéressante bibliothèque, encore trop méconnue).
Pour télécharger le programme, cliquer ici (Attention: ces liens sont inclus dans des dossiers d'«actualités», et ne resteront disponibles que pour un délai très limité).
La première journée du colloque sera en outre l’occasion de présenter au public un ensemble de pièces relatives au Don Quichotte, et conservées dans les collections de la Bibliothèque Mazarine (voir le programme).

Quelques références d'histoire du livre, à la marge du sujet:
Qu'est-ce qu'une littérature nationale? Approches pour une théorie interculturelle du champ littéraire, dir. Michel Espagne, Michael Werner, Paris, Édition de la MSH, 1994 («Philologiques», III).
Jaroslava Kasparová, «La littérature espagnole du XVIe siècle et ses lecteurs tchèques des XVIe et XVIIe siècles», dans Revue française d'histoire du livre, 112-113, 2001, p. 73-105.
Jean-François Botrel, «La Biblioteca de Autores Españoles (1846-1878), ou la difficile construction d'un panthéon des lettres espagnoles», dans Histoire et civilisation du livre, t. IV, 2008 («Les langues imprimées» dir. F. Barbier), p. 201-221.
Sur l'iconographie de Cervantès:
http://cervantes.tamu.edu/V2/CPI/iconography//pres.html

lundi 12 janvier 2015

Conférence d'histoire du livre

Champfleury, Paris, Geoffroy Tory, Gilles de Gourmont, 1529
École pratique des hautes études, IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 12 janvier 2015
16h-18h

Une histoire du livre et de la librairie à Paris (5):
l'Ancien Régime (3: XVIe et XVIIe siècles)
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études


Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 115). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
Accès les plus proches (250 m. à pied)
Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).

samedi 10 janvier 2015

Histoire et civilisation du livre, tome X

Le numéro du jubilé!
Vient de paraître, en décembre 2014:
Histoire et civilisation du livre. Revue internationale,
tome X,
Genève, Librairie Droz, 2014,
488 p., ill.
ISSN 1661-4577

Sommaire 

Où en est l’histoire des bibliothèques? Dossier publié sous la direction de Frédéric Barbier 
Introduction, par Frédéric Barbier, p. 7
Livres et bibliothèques à Strasbourg et dans sa région du milieu du XVe siècle à la veille de la Réforme, par Georges Bischoff, p. 13
Una biblioteca nobiliare ai piedi delle Alpi. La raccolta libraria dei conti di Castel Thun tra XV e XIX secolo: un primo sguardo, par Giancarlo Petrella, p. 27
«Como un hospital bien ordenado». Alle origini del modello bibliotecario della Compagnia di Gesù, par Natale Vacalebre, p. 51
Le livre dans l’économie du don et la constitution des bibliothèques ecclésiastiques à l’époque moderne, par Fabienne Henryot, p. 69
Le premier acte de «donation au public» de la bibliothèque de Mazarin (1650), par Yann Sordet, p. 93
De la bibliothèque savante à la bibliothèque publique: collections et lecteurs à Venise au XVIIIe siècle, par Antonella Barzazi, p. 113
Schoepflin et les origines de la Bibliothèque de la Ville de Strasbourg, par Magali Jacquinez, p. 131
La création de la Bibliothèque royale publique de la Cour de Portugal: une responsabilité partagée, 1796-1803, par Maria Luísa Cabral, p. 143
La ville et les livres, ou comment former une bibliothèque? Notes historiques sur la formation et sur le catalogue de la première bibliothèque publique de São Paulo (1825-1887), par Marisa Midori Deaecto, p. 163
Diffusion du livre en français en Hongrie: bilan et perspectives des recherches sur les bibliothèques privées de l’aristocratie (1770-1810), par Olga Granasztói, p. 181
«Le rameau d’or et de science». La bibliothèque humaniste de l’architecte Joseph-Jean-Pascal Gay (1775-1832), par Philippe Dufieux, p. 207
Des musées dans les bibliothèques: le cas des bibliothèques d’État en Italie, XIXe-XXe siècle, par Andrea De Pasquale, p. 229
Ce que le numérique fait à l’histoire des bibliothèques: réflexions exploratoires, par Anne-Marie Bertrand, p. 255

Études d’histoire du livre, p. 267
Chambéry, Torino o Ginevra? Le (s)fortune editoriali di un criminalista del primo Seicento, par Rodolfo Savelli, p. 269
Un ouvrage technique français de la Bibliothèque bleue, le Bâtiment des recettes, par Geneviève Deblock, p. 289
Jean Ribou, le libraire éditeur de Molière, par Alain Riffaud, p. 315
Charles Chardin (1749-1826), libraire à Paris, par Livia Castelli, p. 365
La diffusion des connaissances utiles au XVIIIe siècle: Élie Bertrand, la Société économique d’Yverdon, sa bibliothèque et son cabinet de curiosités, par Thierry Dubois, p. 375

Livres, travaux et rencontres, p. 409
Un moment dans l’intimité de deux grandes dynasties de libraires: les Didot et les Jombert, entre Directoire et Premier Empire, à travers quinze lettres inédites, par Greta Kaucher, p. 411 

Comptes rendus, p. 459
François Jacob, Nicolas Morel, Nota Bene: de la musique avec Rousseau (Greta Kaucher), p. 461
Miriam Nicoli, Les Savants et les livres. Autour d’Albrecht von Haller (1708-1777) et Samuel-Auguste Tissot (1728-1797) (Greta Kaucher), p. 464
Klára Komorová, Knižnica Zachariáša Mošovského (István Monok), p. 467
Un Succès de librairie européen, l’Imitatio Christi, 1470-1850. Exposition organisée par la Bibliothèque Mazarine en collaboration avec la Bibliothèque Saint-Geneviève et la Bibliothèque nationale de France (…) 4 avril-6 juillet 2012. Commissariat et catalogue de Martine Delaveau, Yann Sordet (István Monok), p. 470.
Alain Bosson, L’Atelier typographique de Fribourg (Suisse). Bibliographie raisonnée des imprimés 1585-1816 (István Monok), p. 474
Un’istituzione dei Lumi: la biblioteca. Teoria, gestione e pratiche biblioteconomiche nell’Europa dei Lumi (Claire Madl), p. 478
Hans-Jürgen Lüsebrink, «Le livre aimé du peuple», les almanachs québécois de 1777 à nos jours (Jean-Marie Mouthon), p. 481
Yannick Portebois, Dorothy Speirs, Entre le livre et le journal (Anthony Glinoer), p. 483 

Tables des illustrations, p. 487

jeudi 8 janvier 2015

Charlie-Hebdo, ou les médias et la violence

La critique, la caricature, ou simplement le rire, sont des armes beaucoup plus dangereuses qu’on ne pourrait le penser. Beaucoup se sont essayés à les faire taire, certains ont pu ou ont cru un temps y réussir, mais toujours, la liberté de penser et de communiquer s’est à nouveau et heureusement imposée. L’attentat d’hier contre la rédaction de Charlie-Hebdo nous interpelle en tant qu’hommes, et en tant que citoyens solidaires d’une patrie qui ne se limite évidemment pas aux frontières nationales: la liberté est un principe, et ce principe concerne chacun.
En toute logique, que l’on puisse penser dans le secret de sa conscience ne dérange guère les instances de pouvoir –ou ceux qui se présentent comme telles, et qui savent à votre place ce qui vous convient (le projet même du totalitarisme). Sur le plan historique, le problème de définir qui peut s’exprimer, sur quel sujet et sous quelle forme, prend une dimension complètement nouvelle dans la seconde moitié du XVe siècle, avec la révolution des médias et l’invention d’un marché –et d'un public de lecteurs.
Les institutions religieuses et politiques s’inquiètent bientôt de mettre des barrières à la production et à la diffusion des textes et des images. La célèbre «Affaire des Placards», à Paris, marque un temps de rupture après lequel le régime, scandalisé, se tournera vers une politique plus répressive et moins intelligente, avec l’appui de la Sorbonne et du parlement. Les premiers bûchers s’allument bientôt place Maubert, tandis que certains des plus grands professionnels de la «librairie» abandonnent la capitale pour se mettre à l’abri et continuer à travailler à Genève, à Bâle, ou encore à Francfort-sur-le-Main.
Car la délocalisation fonctionne déjà comme un recours: si l’Allemagne invente la publicistique moderne, avec la masse de ses Flugschriften (les «pièces» et autres feuilles volantes et caricatures), c’est que le système du Saint-Empire impose à des pouvoirs politiques de plus en plus autonomes de constamment négocier les uns avec les autres, et avec l’Empereur. L’essor de la contrefaçon s’appuiera sur les mêmes logiques de délocalisation, qui font la fortune des libraires du siècle d’or hollandais. Condorcet, dans son Esquisse, expliquera d'ailleurs qu’une des garanties de la liberté de pensée tient au fait que, quelles que soient les mesures prises pour interdire la diffusion de contenus jugés subversifs, il se trouvera toujours, ici ou ailleurs, un espace si minime soit-il pour maintenir la flamme (voir: Sébastien Brant et la Stasi).
Paradoxalement s'agissant de comportements d'une extrême violence, ce sont la peur et la lâcheté qui inspirent l’intolérance et qui suscitent la répression: la peur d’avoir tort, la peur d’être ou de paraître ridicule, la peur d’être un homme (ou, ce qui est la même chose, la peur de ne pas en être un), la peur de perdre une position de pouvoir, la peur de s’appauvrir, et plus généralement, la peur fondatrice, la peur essentielle, qui est celle de chacun seul face à lui-même et face à la mort. Le rire, que nous avons laissé de côté dans ce billet à la fois profondément triste et profondément optimiste, est d’autant plus dangereux qu’il est le recours de celui qui veut comprendre et qui, toujours seul, cherche son chemin. Il est comparable à la danse, «la danse au dessus de l’abîme», pour reprendre la magnifique formule d’un autre auteur et intellectuel, Stephan Zweig, mort de désespoir, lui aussi au nom de la liberté, voici deux générations déjà.
Nous nous inclinons aujourd'hui sur le souvenir d'hommes de courage. On vous tue pour vous faire taire (combien d’autres depuis Stephan Zweig?): parce que c’est notre rôle, notre raison d’être, et notre honneur, nous continuerons toujours à chercher, à parler, et à écrire.

Au passage, nous conseillons l’adaptation théâtrale, devenue encore plus tristement d’actualité, de La Partie d’échecs, texte posthume de Stephan Zweig en ce moment en représentation à Paris.

PS- Merci à tous nos amis qui, surtout de l'étranger, nous ont manifesté leur sympathie et leur compassion. 

vendredi 2 janvier 2015

Conférence d'histoire du livre

École pratique des hautes études,
IVe section
Conférence d'histoire et civilisation du livre

Lundi 5 janvier 2015
16h-18h

Une histoire du livre et de la librairie à Paris (4):
l'Ancien Régime (2)
par
Monsieur Frédéric Barbier,
directeur d'études

La diffusion des livres imprimés dans la capitale du royaume se fait bien antérieurement à l'apparition de l'imprimerie elle-même  (1470). Les émigrés venus des pays germanophones, mais aussi de Flandre, jouent un rôle majeur dans les développements de cette branche d'activité. La puissance de leurs réseaux mêlant les affaires et la famille (entre le Rhin supérieur, notamment Bâle, mais aussi les centres de Lyon et de Genève)  facilitera considérablement, à terme, la diffusion de la sensibilité réformée à Paris.
Dans le même temps, la liberté d'information et de communication entraîne la progressive mise en place de dispositifs  tendant à assurer le contrôle de la branche, dans une conjoncture de concurrence entre le pouvoir royal et la papauté. La crise religieuse est, à compter de 1562, à l'origine d'une crise dramatique de la «librairie» parisienne, après laquelle la reprise n'intervient qu'avec la pacification sous Henri IV, et dans une conjoncture intellectuelle désormais toute différente.

Nota: La conférence régulière d'Histoire et civilisation du livre a lieu tous les lundis à l'École pratique des hautes études, de 16h à 18h. (190 avenue de France, 75013 Paris, 1er étage, salle 115). Le secrétariat de la IVe Section se situe dans les mêmes locaux.
Accès les plus proches (250 m. à pied)
Métro: ligne 6 (Nation-Pte Dauphine), station Quai de la Gare.
Bus 89, arrêt Quai de la Gare (cette ligne dessert notamment la Gare Montparnasse, puis elle passe rue de Rennes et place du Luxembourg).
Accès un petit peu plus éloignés: Métro: ligne 14, station Bibliothèque François Mitterrand. RER ligne C, station Bibliothèque François Mitterrand. Bus: 62 et 64 (arrêt Bibliothèque François Mitterrand Avenue de France) et 64.

Calendrier des conférences (attention: les sujets à jour des conférences et les éventuelles modifications sont régulièrement annoncés sur le blog. N'oubliez pas, comme disent les informaticiens, de «rafraîchir» la page du calendrier quand vous la consultez).